1945

À Marche-Lez-Ecaussinnes, les traditions perdurent et heureusement ! Mais reprenons au début, dans les années 1945. À cette époque au Quartier de la gare aux marchandises, la traditionnelle ducasse du 15 août existe et revêt déjà un caractère particulier. Après la guerre, trois hommes, Ferdinand Quinet, Arthur Roosens et Lucien Avaux, décident de remettre ces festivités du Quartier de la gare à l’honneur, interrompues alors depuis 1939. On parle de réjouissances populaires comme il en existait à l’époque : réunions de famille et d’amis, boissons à volonté et traditionnel bal populaire en plein air animé par l’orchestre de Johnny Franc.

En 1955, conditions climatiques belges obligent, les organisateurs décident de louer un chapiteau qu’ils installent sur le plateau de la gare, et dont l’attraction principale serait une viole habilement manipulée par Joseph Despin de Courrières-lez-Ville. Un orchestre viendra par la suite remplacer celle-ci.

Pendant près de 10 ans, ces réjouissances locales se sont développées et ont attiré la population, mais vers la fin des années 50, avec l’évolution des moeurs, on a vu s’essouffler l’engouement pour ce type de manifestations populaires.

L’heure est alors au remise en question. Comment faire perdurer les traditions et sauver la fête du 15 août ?

Un vent de renouveau souffle et le comité de la Kermesse de la gare se prépare au grand changement…

En 1955, la visite de Lucien Avaux, membre du Comité Organisateur de la ducasse de la gare, aux célèbres fêtes de l’Oberbayern de Munich jouera un rôle prépondérant par la suite. En effet, à son retour, il suggère de s’inspirer de ces festivités traditionnelles allemandes et d’ainsi célébrer, d’une façon pour le moins particulière, le 15 août.

L’idée est lancée, mais il faudra attendre la réussite de la “Belgique Joyeuse” à l’exposition universelle de 1958 pour dissiper le doute de réussite qui planait dans la tête de certains responsables.

La motivation est à son comble : le coup d’envoi des premières festivités bavaroises en terre marchoise est donc fixé au 13 août et s’étendra sur 3 jours la première année.

On rassemble les fonds nécessaires, 150 000 francs, pour amortir les frais de première nécessité et, bien entendu, chacun participe comme il peut pour assurer la réussite de ce beau projet.

Le Comité Organisationnel est composé, à l’époque, de Willy Lapeirre, président ; Lucien Avaux, secrétaire et Georges Bougard, trésorier. On peut également compter sur la participation  de quelques bénévoles parmi lesquels Hortz Szalies, d’origine allemande ; une aide précieuse pour obtenir des partitions musicales aux tonalités allemandes.

car… que serait une véritable fête bavaroise sans sa musique traditionnelle ? Onze musiciens de la région sont donc réquisitionnés pour interpréter ces airs bavarois qui font de ces festivités une entité à part entière. On place alors, sous la baguette de Marcel Van Wilder, Georges Sartiaux et Louis Peters à la trompette, André Denis et Henri Vanderwalle à la clarinette, Paul Duquenne et Gustave Peters au trombone, Robert Brisard au saxophone, Prosper Simon au tuba, Odon Moriaux au bombardon, Arnould Dubois au tambour et Armand Poliart à la caisse. Ils feront du Moulin Avaux, gracieusement mis à disposition, leur local de répétition. Peu de temps après, un groupe folklorique mixte “ Les Tyroliens” constitué d’une trentaine de personnes rejoindra l’orchestre existant.

Quant à la bière, après consultations et hésitations, c’est finalement la brasserie anglo-belge de Zulte qui répondra le plus justement aux conditions souhaitées : un contrat est donc établi avec le dépositaire de cette bière dans la région, Robert Lavianne de Feluy qui stipule notamment qu’une bière unique sera vendue sous chapiteau : la ROSSBRAU. L’une de ses particularités est qu’elle peut être servie dans des contenants de capacité allant de 25 centilitres à 5 litres.

Le jour de l’ouverture des festivités arriva, c’est le grand départ ! Les membres de l’orchestre accompagnés du groupe folklorique “les Tyroliens” ainsi que la foule de participants défilent en cortège dans les rues de la localité, tous revêtus de la traditionnelle tenue tyrolienne. Au pas de la musique entraînante, le cortège a fière allure et ne cesse de s’étoffer jusqu’à son arrivée au chapiteau de 350 places sur le plateau de la gare aux marchandises de la SNCB.

Le chapiteau se présente en deux parties : une partie arrondie et une partie rectangulaire qui laissent entrevoir un intérieur soigné avec un éclairage et une décoration nuancée mettant en valeur les dessins humoristiques du peintre Marcel Van Rycks.

La première édition de l’Oberbayern a donc un succès retentissant. Les fûts sont vides avant la fermeture, au point de devoir servir la bière traditionnelle en bouteille, et les poulets rôtis se mangent par dizaine. Il se passe donc 3 jours de festivité dans la joie et la bonne humeur. Trois jours de fête durant lesquels des activités sont proposées au public. Un gala de variétés est ainsi organisé le 14 août  par les “Compagnons de clé d’Ut” qui font preuve d’un immense talent durant les festivités.

1961

L’année suivante, la réussite de la première édition de l’Oberbayern incite le Comité à rallonger la durée des festivités. Cette année-là, l’Oberbayern s’étend donc sur 4 jours en commençant par le samedi 12 août. Toute la population est enthousiaste et participe d’une manière ou d’une autre aux préparatifs et au déroulement des festivités. Un deuxième chapiteau est accolé à l’ancien, ce qui permet d’ajouter des places supplémentaires.

La journée du samedi devait être mémorable et elle le sera grâce à la parade donnée sur la place communale par l’orchestre et les “Tyroliens”. S’en suit une réception à l’Hôtel de ville où le Bourgmestre, Fernand Prodéo, prononce un discours dans lequel il souligne le mérite des organisateurs et des bénévoles pour avoir donné à cette fête, en l’espace d’une année, une renommée qui dépasse largement les limites de la commune. La cérémonie se clôture ensuite par la remise au président Willy Lapeirre d’un drapeau aux couleurs marchoises, vert et blanc, sur lequel figure une représentation du célèbre “Gambrinus”, chevauchant, comme le veut la tradition, un tonneau la chope à la main. En dessous de ce personnage, on peut y lire une inscription en lettres d’or : “ Les Soiffeurs de Marche-Lez-Écaussinnes “ . Des mots assez évocateurs qui resteront gravés dans les mémoires !

Le dimanche 13 août, les organisateurs ont invité, pour l’occasion, plusieurs groupes étrangers à participer aux réjouissances de la journée. On voit alors défiler dans les rues de Marche-Lez-Écaussinnes ce qu’on avait plus vu depuis longtemps : un cortège composé de trois fanfares et d’une harmonie, un groupe de tyroliens et tyroliennes accompagné d’un orchestre et d’une société de gilles, “Les Récalcitrants Marchois” qui sortaient pour la première fois en costume et chapeau à plumes. On aperçoit également des participants des villages voisins, la fête attire les curieux !

Le lundi 14 août, les festivités débutent par un gala de chants populaires dédiés à la bière et entonnés par 25 enfants du quartier sous la direction de Monsieur Valennne, instituteur. Des monologues, des sketches et des chansonnettes viendront égayer cette journée et ouvriront alors la voie vers la troisième journée de festivités.

Ainsi, le mardi 15 août, les “Compagnons de la Clé d’Ut” sont à nouveau conviés à enjailler le public. Le groupe se compose alors de Modeste Molle, basse chantante ; Alex Arpigny, ténor ; Joseph Thirifayt, fantaisiste, et Horace Barbier, chanteur, diseur et présentateur. On retrouve également René Baurin à l’accordéon accompagné par Jean Bal à la batterie. Le talent ainsi réuni, il est certain que le public passe un moment inoubliable. La soirée se clôture, comme le veut la tradition, au son des flonflons entraînant de l’orchestre de Marcel Van Wilder.

1962

L’édition de l’année 62 marque, quant à elle, un tournant dans l’histoire de l’Oberbayern, car les Marchois se voient gratifier de la présence d’une célébrité dans le monde de la bière, le roi GAMBRINUS, accompagné de son Grand Chambellan.

La joyeuse entrée de ces célébrités burlesques en terre marchoise est accueillie en grande pompe et est marquée par la détonation de “campes”. Le roi Gambrinus est incarné par un cabaretier de Tubize, Georges Carlier, parfait pour le rôle car doté d’un embonpoint qui ne trompe pas. Le Grand Chambellan est, lui, incarné par Camille Ferrier, ardoisier à Écaussinnes, et mieux connu sous le pseudonyme “P’tit Camille”, qui fut rebaptisé “Olibrius” pour l’histoire.

Dans le cortège traditionnel, on voit défiler, au son de l’orchestre, 62 tyroliens et tyroliennes, suivis d’un char enrubanné, surmonté d’un trône royal et constitué d’un énorme tonneau de bière sur lequel le roi Gambrinus, la chope à la main, a fier allure.

Sous le chapiteau, le premier tonneau mis en perce est offert à l’assemblée par Georges Carlier. Lucien Avaux profite alors que l’occasion pour remettre au Bourgmestre, Ferdinand Prodéo, et aux journalistes présents un diplôme, et cela en vertu de l’article 6 de l’ASBL “Les Soiffeurs de la Gare ” nouvellement constituée. Il confère ainsi à ses hôtes le titre de Membre d’honneur de ladite société.

Le dimanche 11 août, la journée s’ouvre sur un festival musical avec la participation des harmonies de Braine-le-Comte, Carnière et Ecaussinnes. Le lundi, c’est la musique municipale de la ville de Nouvion-en-Thiérache située dans le département de l’Aisne, en France, qui donne le ton sous la direction de son chef P.Romby. Pour rendre l’appareil, la délégation française invitera le groupe “Les Tyroliens” de Marche-Lez-Ecaussinnes à se rendre à Nouvion le 25 août de la même année.

1963

L’année 63 sera l’année du changement ! En effet, avec le nombre croissant de participants et grâce à la motivation du Comité Organisateur, les fêtes de la bière se déroulent désormais dans la cour du Moulin Avaux, permettant ainsi de disposer de 1500 places assises, contre 800 en 1962. Le kiosque se trouve désormais au milieu de la salle, et l’orchestre passe de 13 et à 16 musiciens sous la direction de Léon Gilmiot. L’entrée reste bien évidemment gratuite et la bière continue d’être le thème de ces festivités avec des contenants de bières allant de 2 à 5 litres vendues aux prix standards.

La journée du 17 août fut assez exotique puisque un couple tout droit venu de la Guyane Anglaise est venu assister aux festivités, dans leur costume national ! Accueillis par Monsieur et Madame Vanderwalle, ils suscitent la curiosité et sont, à juste titre, ovationnés par l’assemblée.

Le dimanche 18 août, une journée franco-belge est au programme. On compte parmi les invités l’Harmonie Municipale de Leers du département français du Nord. À 10h du matin, on voit donc descendre 150 personnes à Haine-Saint-Pierre. Lucien Avaux les guide alors vers le parc et le musée Mariemont pour qu’ils puissent en apprécier les richesses et le charme. À 12h30, c’est à Marche-Lez-Ecaussinnes que les festivités se poursuivent, sous le hall des fêtes de l’Oberbayern où l’on sert à tous un copieux repas. L’après-midi fut également sous le signe de la découverte, car nos amis français visitèrent le château d’Ecaussinnes-Lalaing et les carrières de Scoufflény. La pluie écourta malheureusement la visite, qui resta pour autant dans les mémoires de beaucoup.

À 16h30, le mauvais temps repris ses droits en Belgique. Tout le monde retourna à Marche-Gare où le défilé fut annulé. Mais dans le hall comble, l’Harmonie de Leers gratifia la foule d’un très beau concert. On ne pouvait que féliciter le Président de la Phalange Monsieur Parent, le directeur Monsieur Williequet, le capitaine Bourgeois et les septante musiciens de l’orchestre et de la clique.

Au fil des années

En 1965, les festivités passent désormais à 8 jours ! Les traditions évoluent et on voit apparaître des tonnelets de bières posés sur les passets. L’animation, elle-aussi, évolue avec un nouveau cabaret wallon où l’on peut applaudir “Dodol” de radio Hainaut et l’inimitable Paul Stassart.

Le 25 novembre, le Syndicat d’Initiative du Quartier de la Gare à Marche-Lez-Ecaussinnes, représenté par Jacques Marot et Robert Valenne achète à Ernest Bataille un terrain de 30 ares 87 centiares situé à la rue du Chemin de Fer, au prix de 100 000 francs.

En 1966, tout le monde se met au travail, car l’accès au terrain doit être aménagé pour accueillir un nouveau chapiteau loué. Il possède une charpente métallique, un plancher qui permet de recouvrir la prairie du Syndicat d’Initiative ainsi que des voliges pour agrandir l’espace côté chemin de fer. Les jeunes du quartier sont d’une aide précieuse et permettent la mise en place du nouvel emplacement de l’Oberbayern.

L’orchestre de l’Oberbayern devient celui de “Die Kamaradens” dirigé par Herbert Nart et au sein duquel se trouve la soprano tyrolienne Elly Hartz qui, en 1967, devait créer son propre orchestre “Helly Hartz und ihre tiroler”

En 1970, l’association devient enfin propriétaire d’un chapiteau aux couleurs marchoises qui peut accueillir près de 2000 personnes assises. Il sera dressé chaque année à l’emplacement du terrain acheté par le Syndicat d’Initiative du Quartier de la Gare en 1965.

1984, l’Oberbayern fêtaient dignement son 25e anniversaire !

Le Mobilier

En 1960, les installations sont rudimentaires et provisoires. En 1963, on perçoit une amélioration qui semble faire l’affaire, au moins jusque 1966 où les changements surviennent avec un chapiteau qui sera capable d’accueillir 1200 personnes. On fait alors venir d’anciennes roulottes de théâtre ambulant rachetées dans la région de Mons. L’une sera aménagée pour le service des boissons et des célèbres saucisses choucroute, l’autre servira de toilettes pour hommes. Deux bus déclassés seront également rachetés aux transports en commun ; ils seront respectivement utilisés comme toilettes pour dames et pour stocker le matériel. À droite du podium, on retrouvera la roulotte des artistes et des musiciens.

Les fournisseurs de bières
En 1960, la brasserie anglo-belge de Zulte accepte de fournir l’Oberbayern en fûts de Rossbrau. Elle sera ensuite reprise par la Brasserie Kronenbourg, ce qui n’était pas le premier choix du Comité. Ce dernier ayant contracté un emprunt avec la Brasserie Zulte, il a dû se résoudre à collaborer avec la Brasserie Kronenbourg. Après deux ans, l’emprunt remboursé, le Comité optera donc pour la Brasserie Jupiler et sa pils, mais aussi pour de la blanche de Hoegaarden.

Une fois le contrat terminé avec Jupiler Inbev, le Comité fait une appel d’offre ; ce sera la Brasserie Bofferding qui l’emportera ! Elle approvisionne les festivités en pils, tandis que la Brasserie St Feuillien fournit les Kriek Cerise et les Blanches. Encore aujourd’hui, ces deux brasseries continuent à désaltérer les fêtards de l’Oberbayern. Jusqu’à plus soif ? Rien n’est moins sûr.

Les chapiteaux
En 1960, un chapiteau rectangulaire, capable d’accueillir près de 350 places, est installé. En 1961, un second chapiteau circulaire est accolé au premier pour pouvoir accueillir 600 personnes en plus. En 1963, qui dit changement d’emplacement dit changement de chapiteau. Ce dernier sera loué et placé sur deux terrains adjacents, situés à l’entrée du Moulin Avaux. La contenance est de 900 places. 1966 sera l’année du dernier déménagement. En effet, le Comité fait l’acquisition d’un terrain à côté des chemins de fer et d’un chapiteau 2000 places. L’Oberbayern prendra donc racine en 1966 pour faire perdurer les traditions.